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Salers bon ça!

Le titre me trahit un peu à chaque fois, cette fois nous goûtons un fromage vieux de 2000 ans: le Salers.
Mettons les choses au point tout de suite, on ne prononce pas le S, ce qui fait du coup que mon titre est plus rigolo, et que quand vous en parlerez personne ne vous comprendra, mais au moins on est dans le vrai.

Direction le complexe volcanique du Cantal, là maintenant promenade de santé mais j’aime autant vous dire qu’il y a encore 2 millions d’années on ne pouvait pas y mettre grand chose, ou alors pas longtemps. La légende dit que les vaches de race Salers et leur robe rouge sont des boules de lave transformées par les mains des Dieux, qui devaient avoir des gants sacrément résistants à la chaleur (note: penser à leur demander la marque pour mes barbecues d’été)

salers

le salers de la peur

On a donc un sol volcanique, sa race de vaches Salers, qui paît tranquillement cette flore abondante dans laquelle on trouve réglisse, gentiane, anémones, arnica, sainfoin, pimprenelle, nicolas et j’en passe et des meilleures.

Mais revenons à nos vaches. On en trouve de semblables chez les ibères qui les ont probablement amenées chez nous, et les mêmes en Angleterre, apportées cette fois par les légions romaines. Oui car on se déplaçait avec son bétail, c’était comme la glacière de l’époque, avec à boire et à manger. Cette race rustique allie en effet qualités maternelles, production de lait, de viande. Mais je m’égare on dirait un blog de vaches.

On fabrique le salers du 15/4 au 15/11, c’est strict, cahier des charges AOP 2003 oblige (avant il était AOC depuis 1961). Pendant cette période on tient les vaches en haute estive, à 900 mètres d’altitude. Les salers sont traites, deux fois par jour et leur caillé chaud directement utilisé, d’où une vraie empreinte de terroir et autant de fromages différents que de lieux de pâture et de producteurs (90).

Il faut savoir que la traite est spéciale, on laisse le veau l’amorcer et il est attaché à sa mère, jusque là tout est normal, mais attaché, à l’avant, de la mère pour qu’elle le sente et produise plus de lait. Et le petit il a quoi le pôôôvre?

Le lait est traité dans une gerle (gèrlo), sorte de gros tonneau de châtaigner, qui ensemence le caillé. Vous imaginez bien que c’était trop pour les autorités sanitaires qui on voulu sa perte en 2004, heureusement les gentils chercheurs ont prouvé qu’elle offrait préservation de la flore en plus de lui ajouter des caractéristiques, le tout sans aucun danger. Nanère.

On emprésure le lait, puis on coupe le caillé avec une fréniale, le caillé subit un premier pressage avec une catchaïre, il est découpé en blocs et retourné. Puis vient une étape d’acidification, on laisse le caillé reposer plusieurs heures, il a intérêt vu ce qui l’attend, ceci permet le développement des ferments.

Puis vient le fraisage, la matière est broyée et salée dans la masse. De nouveau repos pour la maturation au sel, puis vient le moulage dans une fourme (c’est très occitan) on lui enfile une chemise de lin qui est maintenant de nylon, merci l’Europe (alors que tout le monde sait que le nylon ça fait plus transpirer). qui sert de drain.

Notre pauvre fromage qui a du sel dans les yeux et transpire sous les bras,  on lui colle une plaque rouge, ce qui ne l’exonère nullement des droits de douane mais l’identifie clairement. Et pan second pressage on le torture au pesadou, ne vous fiez pas à son petit nom innocent,  qui va l’écraser crescendo pendant 48h, avec plusieurs retournements!

On obtient un salers, au lait cru à pâte pressée non cuite, qui sera affiné de trois mois à deux ans en cave très humide, à 14°C. On vient lui frotter la croûte deux fois par semaine avec une vieille chemise.

La meule de Salers pèse au final entre 40 et 55 kilos pour un diamètre de 45 cm. Il existe deux types de salers, le net disons avec du lait de plusieurs races de vaches et le brut, estampillé tradition exclusivement  au lait de vache salers (7 producteurs restants).

Devinez lequel on a gouté!

photo (25)

(assiette et nappe prêtées par le stand 17 Mimi-les-assiettes, puces du Canal, Lyon)

Le tradition bien sûr! On n’est pas des baltringues!

Sa croûte blanche et or, semblable à la pierre, mâtinée de rouges orangés, sa pâte jaune translucide dans laquelle on distingue les grains agglomérés.

Notre fils a dit que ça sentait la « mousse vieille » et la « pierre humide » et les « vestiges », à 8 ans je trouve ça plutôt bien. Il a ajouté autre chose mais je ne m’en vante pas. Et puis ma mère lit ce blog aussi.

Nous on a trouvé que ça sentait le clapier (de Siccieu), le cigare neuf, l’oeuf, l’asperge, la cendre et le végétal. Pourtant on n’avait pas encore goûté le vin promis. La pâte avait des arômes lactés et acidulés.

Quand même, désolée mais le salers c’est salé. mais aussi frais et aigrelet sous la langue. Une très légère amertume. Un goût lacté, avec une touche de plantes, de réglisse il me semble, et en deuxième intention la vache débarque avec ses gros sabots. Et elle reste.

On sent que le salers est un cousin complexe et rustique du cantal. Enchantés.

Après quelques recherches avec Bacchus (&Vénus, Lyon 4) nous avons opté pour un pur Syrah, des collines rhodaniennes, les hauts du Monteillet Stéphane Montez 2011, délicieux au demeurant mais pas comme accord avec le salers, un peu trop puissant et un final métallique dans l’accord.  Je recommande chaudement le caviste, le vin, simplement pas cet accord.